Docteur-Pierre, aux origines d’une marque mythique
Au XIXe siècle, l’avènement de la brosse à dent et du dentifrice propulse la marque du Docteur-Pierre.
Pierre Mussot, né en 1801, s’engage dans des études de médecine à Paris, aboutissant à l’obtention du titre de docteur. En 1837, il s’installe comme médecin à Paris, au 26 rue de Tivoli, et commercialise de l’eau dentifrice, fondant ensuite la maison du Docteur-Pierre en 1840. Son frère, Paul-Martin Mussot, assure la continuité de l’entreprise après son décès en 1860. En 1876, Charles Alexandre Hubert Chouët, gendre de Paul Martin, crée “A. Chouët et Compagnie”, dont le siège se situe à Asnières. Sous sa direction, la marque s’internationalise, ouvrant un magasin à Londres et participant à l’exposition française de Moscou en 1891.
1840
L'usine du Docteur Pierre prend racine à Nanterre
Face aux contraintes d’extension à Asnières, la décision stratégique est prise de déménager vers Nanterre, où la valeur des terrains est plus accessible. En 1900, le paysage de Nanterre se transforme avec la construction de l’usine du Docteur-Pierre, qui abrite les nouveaux ateliers de fabrication de la marque. Albert Aubert, formé à l’école des beaux-arts, donne vie à une architecture industrielle prestigieuse dans un quartier résidentiel. Le plan en U avec deux ailes en retour sur la cour, la façade imposante, à trois niveaux, surmontée d’un dôme carré et la balustrade en pierre créent une esthétique unique. L’usine est entourée d’un jardin où est cultivée de la menthe poivrée.
La particularité de cette usine réside dans sa façade avant, très travaillée et orientée vers la ligne de chemin de fer Paris – Saint-Germain permettant alors de promouvoir la marque auprès d’une classe aisée.
1900
Une image de marque sculptée avec soin
La notoriété de la marque Docteur-Pierre repose sur une image de marque soigneusement construite. En 1900, A. Chouët obtient une attestation de l’Académie de médecine, renforçant la crédibilité de la marque à l’étranger.
En 1907, un buste en bronze du docteur est inauguré dans le jardin, visible par les usagers du train. On verra plus tard qu’après avoir disparu, ce buste sera retrouvé dans le sud de la France puis réhabilité par la Société d’Histoire de Nanterre au cœur du Château. Il est également fait bon usage de la publicité, notamment à travers des affiches. En 1912, au décès de son père, Paul Frédéric Chouët prend la tête de la société, insufflant une nouvelle dynamique à la marque.
1907
Du dentifrice aux parfums
Après la Première Guerre mondiale, les années 1920 voient l’émergence d’une volonté d’émancipation féminine. En 1923, la « Société des Héritiers du Docteur-Pierre » se forme, comprenant Paul Frédéric Alexandre Chouët, Jeanne Adrienne Charlotte Alexandrine Chouët, et Léo Fink, ancien directeur de parfumerie. La « Société des Parfums Forvil et Dentifrices du Docteur-Pierre Réunis » est créée, ravivant la marque.
Malgré l’incertitude liée au krach boursier de 1929, Forvil prospère dans les cosmétiques accessibles.
1923
Face à la tourmente de la Seconde Guerre Mondiale
La Seconde Guerre mondiale impacte l’usine tant sur le plan économique qu’humain. Bombardée et détruite à 80% en 1940, elle continue de maintenir une activité réduite. Léo Fink, de confession juive, s’est volontairement retiré du conseil d’administration pour protéger l’entreprise. Il est arrêté par les Nazis en 1943 et déporté à Auschwitz dont il ne reviendra pas.
Lydia Fink, participante à l’assemblée générale de 1945, devient présidente-directrice générale, conduisant la société jusqu’à sa fusion avec Bristol Myers en 1969. Durant cette période, la gamme du Docteur-Pierre est considérablement réduite, la brillantine liquide émerge comme le produit phare. Toutefois, les défis du marché cosmétique, nécessitant des innovations coûteuses, entraînent des pertes.
1940
L’usine du Docteur-Pierre devient Natalys
En 1973, le site est transféré à Natalys, une entreprise fondée par la famille Kelman en 1953, spécialisée dans les vêtements pour futures mamans. Il devient le centre administratif, financier, d’entreposage et de fabrication de vêtements. En 1992, un incendie détruit l’entrepôt, conduisant à une reconstruction en 1994 par les architectes André Chantalat et Gérard Liucci.
Mais le secteur fait face aux défis de la grande distribution. Natalys tente d’y répondre en ouvrant un site web, dans le but d’acquérir une nouvelle clientèle, sans succès. En 2003, l’entreprise enregistre des pertes, cède des titres de la société à un actionnaire extérieur appartenant au secteur du textile pour enfants et vend le patrimoine immobilier à la Ville de Nanterre.
1973
Le Château de Nanterre, tiers lieux dédié à l'ESS
En 2017, le bâtiment, inscrit aux Monuments Historiques, fait l’objet d’une rénovation menée par un partenariat entre ETIC, la SEM de Nanterre et la Caisse des dépôts et consignations. Cette initiative s’inscrit dans un projet de réhabilitation de tout le quartier. ETIC, une foncière solidaire créant des tiers-lieux axés sur l’ESS, prend en charge l’exploitation des espaces du Château-Cité Etic. Au sein des bureaux s’installent de nombreux acteurs de l’ESS, tels que le label de commerce équitable Max Havelaar, qui y implante son siège France, l’association Les Impliqués, qui accompagne la transition professionnelle, ou l’UNAI, qui fédère les associations intermédiaires. Le jardin de 5 000m² est réagencé, abritant des ruches et un potager en permaculture sur la partie du terrain autrefois dédiée à la culture de la menthe. C’est là que l’histoire de United Kitchens commence. Cette même année, Armelle et Grégoire Delaage investissent le RDC bas du Château pour y créer un immense foodlab partagé ; un endroit où chaque talent, chaque entreprise et chaque expertise peut s’y développer. Plus de 300 projets s’y développeront.
2017
United Kitchens : berceau de l'alimentation durable
En 2022, Armelle et Grégoire Delaage reprennent la gestion de l’espace événementiel, créant un lien unique et puissant entre l’activité des artisans locaux dans le foodlab et les évènements des entreprises se passant dans les salles de réception. Au total, United Kitchens gère la moitié des espaces du Château de Nanterre, soit près de 1 200 m².
United Kitchens, c’est désormais un acteur évènementiel engagé dans la transition alimentaire, mais aussi le restaurant Docteur-Pierre, hommage au passé, faisant de ce lieu l’alliance de l’histoire et de l’engagement. A ce titre, l’espace de réception abrite le fameux buste du docteur Pierre qui était jadis dans le jardin. Après avoir disparu pendant plusieurs années, il a été retrouvé, restauré par la Société d’Histoire de Nanterre et trône magnifiquement au sein du restaurant éponyme !